Ahmed CHENIKI
Université de Annaba
Ne craignez pas vos ennemis,
Au pire ils peuvent vous tuer,
Ne craignez pas vos amis,
Au pire, ils peuvent vous trahir.
Craignez les indifférents,
Leur silence autorise le crime et la trahison.
(Bruno Iassenski)
Histoire d’astérisque
J’ai été surpris en lisant dans un texte de l’école doctorale de Français (datée du mois d’avril 2007) que mon nom était affublé d’un astérisque. J’ai tout de suite pensé à Astérix. Mais je m’étais ressaisi pensant à cet astérisque qui avait envoyé Guy Môquet devant ses bourreaux et à cette croix devant le nom d’un de mes oncles lâchement fusillé par les forces coloniales. Que disait ce maudit signe ? Mon nom était exclu de l’école doctorale de français.
Drôle d’attitude synonyme d’une sorte de danger grave dans une Algérie qui, contre vents et marées, cherche à aller vers la modernité, malgré des comportements indignes d’une université condamnée, malgré les forces de la régression, à l’ouverture. D’où d’ailleurs, le nom d’univers-sité (cité) pour reprendre ce mot déconstruit parfois heureux de Michel de Certeau.
Ce qui est tragique, c’est quand des collègues acceptent sans ciller ce type d’attitudes sans s’interroger sur la réalité de la chose. C’est ce que nous appelons, je crois, la critique des sources trop marquée par un autre élément : la prudence méthodologique. Triste réalité d’une université, trop peu critique, applaudissant les discours oraux et faisant la nique à l’intelligence, à la trace écrite et au savoir. Il n’y a pas plus facile que d’exclure ou de laisser faire. Clin d’œil du côté de Sartre et de Foucault ou du côté du personnage Méphisto tiré du remarquable roman de Klaus Mann considérant ces attitudes de « gestus complice et coupable » (Foucault). Le « mal est en nous » disait un résistant algérien qui dénonçait les simulacres fascisants et les hérauts de guerre facile sévissant dans une société préférant s’éloigner d’une université prisonnière des évidences et des jugements confectionnés sous le sceau de l’exclusion et du bruit peu flatteur des coulisses, une université en lambeaux. Voudrait-on encore pousser les seuls universitaires libres à l’exil, comme ce fut le cas dans les années 90 ?
Je fais toujours partie de l’école doctorale de français, malgré cet ignominieux astérisque. Collègues de l’école doctorale de français, je vous mets au défi de me sortir une seule décision d’exclusion me concernant, sauf ce foutu astérisque concocté pour raisons personnelles. Je voudrais connaitre les raisons exactes de mon éviction. Pourquoi, ne vérifiez vous pas les textes en n’accordant de l’intérêt qu’à l’écrit, espace privilégié de la modernité ? Lisez l’arrêté N°264 daté du 18 décembre 2005 portant création de l’école doctorale de Français. Encore une fois, Sartre à la rescousse : l’enfer, c’est les autres. On me dénie le droit d’enseigner et de diriger des recherches dans une Algérie appelée, en principe, à en finir avec les discours fascisants. Tragique destinée d’une école de français dont le mot d’ordre devrait être liberté et débat d’idées, non le monopole de la mise à l’écart et de la marginalisation. Pierre Bourdieu m’avait dit un jour que nous voguions dans l’université algérienne dans un univers biodégradable.
Je n’étais pas d’accord avec lui à l’époque, j’ai fini malheureusement par apprendre à mes dépens la justesse de ses propos : j’ai été victime en mars dernier d’un grave accident cardiaque. Que l’on m’explique le sens de cette exclusion, ses tenants et ses aboutissants.
J’apprends, il y a quelques jours, ma mise à l’écart au hasard de la lecture d’un document daté d’avril dernier, puis, cette semaine, après que deux étudiants eurent proposé à l’université de Constantine mon nom comme directeur de recherche. Comment affuble t-on ce type d’astérisque ? Est-ce comme ce fut le cas pour Guy Môquet et mon oncle ? Notre pays n’a-t-il pas besoin de toutes ses compétences ? J’ai peur pour mos étudiants, notre université et notre pays. Les problèmes personnels devraient prendre la clé des champs d’une université et d’enseignants censés servir les étudiants en leur apportant le meilleur encadrement possible.
Je ne sais si chacun de nous se soucie quelque peu de sa conscience, certes malheureuse, mais peut-être sera-t-elle réfractaire à la barbarie de l’absence, du laisser-faire et de la frousse. Mais, à propos, l’université et le savoir s’accommodent- ils aussi bien de l’exclusion et du vide ? Je suis inquiet pour mon université et mon pays.
Je lance un appel aux amis leur demandant de réagir contre ces injustices qui freinent tout élan sérieux vers la modernité et la liberté de savoir et le monopole de l’écrit à l’université censée être le lieu privilégié du débat et du développement du pays. Pour ma part, je n’arrêterais pas le combat. Par principe.
TOUT SILENCE EST COMPLICE.
Université de Annaba
Ne craignez pas vos ennemis,
Au pire ils peuvent vous tuer,
Ne craignez pas vos amis,
Au pire, ils peuvent vous trahir.
Craignez les indifférents,
Leur silence autorise le crime et la trahison.
(Bruno Iassenski)
Histoire d’astérisque
J’ai été surpris en lisant dans un texte de l’école doctorale de Français (datée du mois d’avril 2007) que mon nom était affublé d’un astérisque. J’ai tout de suite pensé à Astérix. Mais je m’étais ressaisi pensant à cet astérisque qui avait envoyé Guy Môquet devant ses bourreaux et à cette croix devant le nom d’un de mes oncles lâchement fusillé par les forces coloniales. Que disait ce maudit signe ? Mon nom était exclu de l’école doctorale de français.
Drôle d’attitude synonyme d’une sorte de danger grave dans une Algérie qui, contre vents et marées, cherche à aller vers la modernité, malgré des comportements indignes d’une université condamnée, malgré les forces de la régression, à l’ouverture. D’où d’ailleurs, le nom d’univers-sité (cité) pour reprendre ce mot déconstruit parfois heureux de Michel de Certeau.
Ce qui est tragique, c’est quand des collègues acceptent sans ciller ce type d’attitudes sans s’interroger sur la réalité de la chose. C’est ce que nous appelons, je crois, la critique des sources trop marquée par un autre élément : la prudence méthodologique. Triste réalité d’une université, trop peu critique, applaudissant les discours oraux et faisant la nique à l’intelligence, à la trace écrite et au savoir. Il n’y a pas plus facile que d’exclure ou de laisser faire. Clin d’œil du côté de Sartre et de Foucault ou du côté du personnage Méphisto tiré du remarquable roman de Klaus Mann considérant ces attitudes de « gestus complice et coupable » (Foucault). Le « mal est en nous » disait un résistant algérien qui dénonçait les simulacres fascisants et les hérauts de guerre facile sévissant dans une société préférant s’éloigner d’une université prisonnière des évidences et des jugements confectionnés sous le sceau de l’exclusion et du bruit peu flatteur des coulisses, une université en lambeaux. Voudrait-on encore pousser les seuls universitaires libres à l’exil, comme ce fut le cas dans les années 90 ?
Je fais toujours partie de l’école doctorale de français, malgré cet ignominieux astérisque. Collègues de l’école doctorale de français, je vous mets au défi de me sortir une seule décision d’exclusion me concernant, sauf ce foutu astérisque concocté pour raisons personnelles. Je voudrais connaitre les raisons exactes de mon éviction. Pourquoi, ne vérifiez vous pas les textes en n’accordant de l’intérêt qu’à l’écrit, espace privilégié de la modernité ? Lisez l’arrêté N°264 daté du 18 décembre 2005 portant création de l’école doctorale de Français. Encore une fois, Sartre à la rescousse : l’enfer, c’est les autres. On me dénie le droit d’enseigner et de diriger des recherches dans une Algérie appelée, en principe, à en finir avec les discours fascisants. Tragique destinée d’une école de français dont le mot d’ordre devrait être liberté et débat d’idées, non le monopole de la mise à l’écart et de la marginalisation. Pierre Bourdieu m’avait dit un jour que nous voguions dans l’université algérienne dans un univers biodégradable.
Je n’étais pas d’accord avec lui à l’époque, j’ai fini malheureusement par apprendre à mes dépens la justesse de ses propos : j’ai été victime en mars dernier d’un grave accident cardiaque. Que l’on m’explique le sens de cette exclusion, ses tenants et ses aboutissants.
J’apprends, il y a quelques jours, ma mise à l’écart au hasard de la lecture d’un document daté d’avril dernier, puis, cette semaine, après que deux étudiants eurent proposé à l’université de Constantine mon nom comme directeur de recherche. Comment affuble t-on ce type d’astérisque ? Est-ce comme ce fut le cas pour Guy Môquet et mon oncle ? Notre pays n’a-t-il pas besoin de toutes ses compétences ? J’ai peur pour mos étudiants, notre université et notre pays. Les problèmes personnels devraient prendre la clé des champs d’une université et d’enseignants censés servir les étudiants en leur apportant le meilleur encadrement possible.
Je ne sais si chacun de nous se soucie quelque peu de sa conscience, certes malheureuse, mais peut-être sera-t-elle réfractaire à la barbarie de l’absence, du laisser-faire et de la frousse. Mais, à propos, l’université et le savoir s’accommodent- ils aussi bien de l’exclusion et du vide ? Je suis inquiet pour mon université et mon pays.
Je lance un appel aux amis leur demandant de réagir contre ces injustices qui freinent tout élan sérieux vers la modernité et la liberté de savoir et le monopole de l’écrit à l’université censée être le lieu privilégié du débat et du développement du pays. Pour ma part, je n’arrêterais pas le combat. Par principe.
TOUT SILENCE EST COMPLICE.
Cordialement
AHMED CHENIKI
Pour apprécier une étude de M. Ahmed Cheniki : http://www.lexpress iondz.com/ T20070322/ ZA10-6.htm