dimanche 4 novembre 2007

Fatiha BOUCETTA : Appel contre la discrimination, l’arbitraire et l'impunité


Je n'oserai jamais croire que je me suis aventurée en m'inscrivant dans le cadre de la rupture, objectif fondamental attendu par toutes les femmes qui luttent contre la discrimination, l'intégrisme et la violence. Non, je continuerais à lutter sans réserve pour sa réussite qui est inévitablement la mienne.
Faut-il rappeler que grâce aux combats des femmes l'opinion internationale a modifié le regard qu'elle portait sur la situation réelle en Algérie !
Faut-il rappeler qu'elles sont des centaines à avoir payé de leur vie pour que triomphe la Liberté.
Courageuse, de cette catégorie je suis.

Femme de conviction ayant participé honnêtement et positivement à l'édification du pays, j'ai su catalyser et symboliser l'esprit de résistance avec, seul capital, ma compétence et ma force de caractère ; c'est ce trait qui me différencie, de leur culture de la violence, la triche et la médiocrité.
En plein terrorisme, j'ai affiché ouvertement mon combat pour les libertés confisquées lorsque je me suis engagée en politique comme première femme membre d'une assemblée de Wilaya, sociologue, cadre de valeur ayant occupé des postes de compétences nationales, ma seule ambition étant de servir un rêve celui de voir la démocratie triompher.
Victime d'une double discrimination, celle liée à mon statut de femme et celle inhérentes à mes opinions politiques, je lance ce cri de détresse du fin fond des Aurès, un milieu miné de préjugés et parsemé d'une violence poussée à l'extrême contre la femme ; j'ai survécu à plusieurs volcans dévastateurs de cette folie humaine dont l'esprit est loin d'imaginer la complexité. La base des faits qui ont gravement pollué l'existence de mes enfants, que j'ai entrepris de faire grandir seule sans leur donner le plus infime motif de rougir de mes actes, est d'avoir agi sans complaisance dans l'exercice de mes fonctions de directrice.

Lorsque, en juin 1998, j'ai découvert un détournement de deniers publiques dans les oeuvres sociales, j'ai installé une commission d'enquête à laquelle le président de celle-ci, Zelmat Athman, un manipulateur très dangereux a opposé un refus catégorique, ainsi qu’à tout contrôle, et commença, avec la complicité de ses pairs, manipulations et manœuvres d'intimidations. C'est alors que commence pour moi le cheminement éprouvant à travers la jungle des rentiers universitaires, des faits subis très graves, par leur nature et leur répétition : menace, humiliation et dégradation, un réquisitoire cruel qu'on ne peux réserver qu'à un traître, une grève illégale attestée par Me Messaoud Mekhlouf, huissier de justice, le 19 septembre1998, une décision arbitraire de mise de fin de fonction, mon salaire injustement et en violation très grave des lois suspendu pendant trois années ; seule source de survie, j'ai du vendre les équipements de ma maison, mes habits pour subvenir aux besoins de mes trois enfants orphelins. Tous les moyens indignes d'humains étaient bons pour m'étouffer : astuces diffamatoires, falsifications de documents sur témoignage de sa propre femme, des procès imaginaires montés de toutes pièces, je passais la matinée au tribunal et le soir au commissariat, côte à côte avec les voleurs et les malfrats, moi cadre de valeur respectueuse et respectée, assaillie de plaintes pour m'occuper et me détourner de la réalité des faits.

Le 13 septembre 1998, mon fils, connu pour sa timidité et sa bonne conduite, est victime d'une tentative d'assassinat, le coup porté à la gorge, par arme blanche. Sous le choc, il perd momentanément l'usage de son bras (certificat d'incapacité de 17 jours par un médecin légiste) ; l'agresseur n'est autre qu'un membre des oeuvres sociales concerné par l'enquête.

Au plus fort de la violence et de la tuerie, n'ayant pas de moyens pour l'hôtel, je voyageais à cinq cent kilomètres la nuit pour regagner de jour la Capitale, siège de notre tutelle ; à chaque barrage, je me disais : « c'est fini ». Et suivent trois années de galère. Une persécution cruelle manipulée avec un sens inné s'est exercée par des mesures administratives qui revêtent les apparences de la légalité en les détournant à des fins de persécution et de torture morale. Les mis en cause dans le détournement d'argent sont des syndicalistes de l'Ugta qui ont la mainmise sur le secteur et qui savent qu'ils ne répondront jamais de leurs actes. Ces mêmes personnes sont mises en cause dans de graves scandales sans être sanctionnés : les requêtes adressées à toutes les autorités, avec preuves à l'appui : cinq cent accusés de réception et deux cents fax, toujours en ma possession, sont restés lettres mortes.
Confrontée aux problèmes de la survie matérielle je dois faire face avec mes enfants aux supplices des conditions de mon logement d'astreinte, je subissais les affres de l'impunité en silence. Ma famille, mes amis étaient interdis d'accès dans l'enceinte où j'occupais un logement de fonction ; l'isolement total crée en moi une immense frayeur ; mon fils, regagnant notre domicile après 20h en escaladant le mur car le portail fermé, tombe et se fracture le bras (radio et certificat) ; les forces de l'ordre sont intervenus plusieurs fois pour me faire rentrer ; coupure de courant volontaire d'eau, de gaz… Je passais l'hiver sans chauffage lorsque les résidentes partent en vacance ; mes enfants ont faillis être asphyxiés par le gaz butane le 9 janvier 2000 (P.V. huissier de justice et certificat médicaux) ; mon véhicule de service saboté, freins coupés, réservoirs empli de sucre (Preuve constat au commissariat)… Une mort lente, aboutissement logique de leur démarche. La détresse succède à la détresse. Traumatisés psychologiquement, mes enfants, complètement perturbés dans leur scolarité, échouent l'un après l'autre à leur examens ; un enfant asthmatique sans traitement, j'assistais impuissante au naufrage de ma famille.

En Décembre 98, pour ne citer que ce fait, devant mon insistance, mes détracteurs avec la complicité de certains responsables simulent une commission d'enquête où l'ensemble du personnel réuni s'est regroupé et chacun y met de son grain de sarcasme. Ne supportant pas ce climat, à 22h, je prends le véhicule avec mes trois enfants et je fonce vers ma famille se trouvant à soixante kilomètres et, par une route dangereuse, à forte allure, je n'ai pas vu un barrage de l'armé. Stoppant juste à leur hauteur, on a failli être mitraillé. Voyant mon état, ils me conseillent de ne pas prendre le volant. Ma famille vient alors à ma rencontre. Le véhicule de mes frères patriotes est remarqué. A notre retour, la route est complètement barrée. Nous tombons dans une embuscade. Les deux véhicules foncent sur cette barrière : l’un est crevé, l'autre va alerter la gendarmerie de Merouana. Nous n'avons dû notre salut qu'aux tirs de feux nourris de mes frères (patriotes). Qui peut supporter toutes ces épreuves et ce poids? Martyrisée, ma carrière administrative bloquée, aucune promotion ni avantages sociaux malgré mes qualifications, mon intégrité et mes diplômes.

Au mois d'août 1999, je lance un appel à Monsieur le Ministre, dans la presse. Il me reçut et s'indigna au vu des documents en ma possession. Contrairement à ce qui a été relaté par notre direction, il donna instruction pour ma réhabilitation par une décision portant le numero186/99, remise en question après son départ. Je reprends mon combat.
Le 15 juillet 2000, après maintes tentatives et voyages de 500kms séparent mon lieu de résidence du siège de notre tutelle, j'arrive à la reprise et l'étude de mon cas en présence du DG, du chef de cabinet et conseiller du ministre et du DRH. « Un cas plein d'irrégularité », confie le DRH ; « c'est un règlement de compte », disait-il. Le DG reconnaît la pourriture du secteur et promet de me rétablir dans mes droits. Effectivement, la première étape commença par une instruction numéro 885/2000 instruisant à rétablir mon traitement avec ses arrières. La section Ugta s'oppose (insubordination caractérisée qui n'a pas été suivie d'effet). Le 5 septembre, une note (n° 160/2000) du ministère rappelle le DG de ses engagements et l'invite à donner des instructions strictes.

Après trois années de persécution morale à la limite du suicide, la justice finit par trancher en ma faveur. Une décision de réhabilitation s'ensuit : je fus désignée à la tête d’une nouvelle résidence en chantier. Des conditions pénibles de travail, pour me décourager. Je redoublais d'effort pour une mission bien accomplie. Une année de grande souffrance et les travaux terminés, la résidence réceptionnée, les mêmes personnes réapparaissent, maquillant une grève de revendications sociales. Ils paralysent toute l'université et les cités universitaires. En réalité, c'était mon départ qu'ils voulaient. Une fois fait, les revendications deviennent obsolètes et, sans qu'aucune ne soit satisfaite, ils reprennent les services. Je fus sacrifiée sur l'autel de l'injustice sans raisons, ni que je sois liée ni de près ni de loin à leur établissement. Mon personnel se mobilise à cent pour cent et demande mon maintien. Surprise dans mon bureau, je reçois une décision de mise de fin de fonction où l'on ne retrouve nulle part le motif censé la justifier, l'affaire défraie la chronique à Batna où juristes de tout bord restent perplexes : on parle d'injustice, de scandale. Mon personnel se mobilise et entre en grève à titre de solidarité avec moi, puis s'ensuit une grève de la faim (l’affaire est reprise à la une par la presse Algérienne et même par la presse française). Les forces de l'ordre finissent quand même par installer le nouveau directeur, un ami du groupe qui n'a aucun niveau. Sur les lieux, mon autre fils, en regagnant notre domicile, est embarqué avec des agents en grève. Pour cette bavure, j'écris au directeur de la sûreté nationale on m'informe qu'il était pris dans le tas et qu'il n'y aurai aucune suite.

Le 9 Octobre 2004, le juge d'instruction le convoque pour troubles à l'ordre public puis vite l'innocente. On me convoque aussi, comme instigatrice. J'écris au procureur général pour demander une enquête et son intervention. Le 13 octobre 2004, la police me convoque. Sur le bureau de l'inspecteur, des papiers sur lesquels je reconnais ma griffe, ma signature et mon cachet. Le contenu du document anarchiquement établi m'était étranger. Il m'impliquait dans une affaire de transaction de cent millions. Paralysée… Une étrange histoire qui va m'envoyer droit en prison cette fois ci… Auditionnée, je rentre chez moi, abrutie. À 22 heures, on m'évacue à la cliniques Ibn Sina : mon coeur subitement s'est affaibli. Une semaine après, on me présente avec deux personnes que je n'ai jamais vues auparavant devant le procureur de la république. Je tremblais de tout mon corps. J'allais tomber jusqu'à ce que l'un des deux avoue la falsification des documents. J'apprends par le juge d'instruction que mon cachet a été scanné à partir d'une de mes correspondances. Je ne sais combien de temps on va pouvoir tenir mes enfants et moi ?
A trois jours de la visite de Monsieur le Président Bouteflika pour inaugurer l'établissement dont j'ai moi-même suivi durement les travaux et la réception, je suis relevée de mes fonctions de directrice, et remplacée pour permettre à l’un des leurs d'être au devant de la scène. Plus que cela, le jour de la visite du président en septembre 2003, devant tout le monde, quinze personnes ou plus encerclent mon domicile familial de huit heures du matin à vingt deux heures pour que je n'approche pas le chef de l'Etat. Sur place, la garde présidentielle, alertée par ma famille, découvre mes enfants en pleurs et cet emprisonnement scandaleux. Elle promet de faire son rapport sur cette terrible humiliation, à ce jour, malgré mes différents déplacements à Alger, mes fax, mes requêtes, mes appels téléphoniques et la moitié d'un faible salaire de seize mille dinars gaspillé. Objectif : nous affaiblir davantage et nous affamer.
Hélas pendant que les voleurs et les corrompus (cités dans des scandales dans la presse) s'installent, l'élite est soumise à un matraquage infernal sans l'assistance des lois qui, dit-on, sont au dessus de tout. Désespéré, l'aîné de mes enfants, pupille de mes yeux, quitte le pays pour se réfugier à l’étranger. A mille lieux dans son exil, le jour de la fête des mères, il m'écrit : « Maman l'éloignement me déchire, c'est le désert sans toi, ma soeur et mon frère, tenez bon : on va se revoir ». Je garde son lit défait à ce jour, pour m'engouffrer et sentir son odeur. Je ne pardonnerai jamais cet exil forcé et cette douleur à ces criminels.

Février 2004, un appel à candidature est lancé dans la presse par notre tutelle. Convaincue de la première place, administrateur principale, je postule. Finalement, ceux choisis sont soit des détenteurs de diplômes insolites ou capacitaires, soit des individus appuyés par des forces occultes, lorsque ceux qui ont brûlés leurs neurones pour franchir les difficiles obstacles et parvenir à l'université, les vrais cadres de valeurs sont marginalisés. Exclue injustement, je reste ainsi à vie otage des affairistes et des rentiers intégristes qui cherchent à m'abattre par tous les moyens.

Le mois de janvier 2006, le principal instigateur est interpellé en flagrant délit et écroué pour corruption. Je demande alors réparation et réhabilitation. Le directeur général me promet de le faire : rien, à ce jour.
Le 25 octobre 2006, en rentrant d'un voyage, je découvre mon logement cambriolé bien qu’il se situe dans l'enceinte de l'établissement. La police découvre par terre une barre de fer. Le mobile n'était pas le vol, d'après eux, car tous les objets étaient à leur place.

Comment supporter toutes ces pressions ? On ne vit plus. On est privés de liberté. Nous vivons dans l'enceinte de la résidence universitaire, dont l'unique sortie est par le portail gardé par ces criminels. A bord de notre véhicule, on passe à chaque sortie et entrée trente minutes d'attente sans compter les gestes et paroles malveillantes à notre égard, ma fille que j'accompagnais en véhicule aller et retour et qui a arraché sa licence en traduction avec bravoure et éloges écrits de son chef de département et ses professeurs, son frère qui a dû stopper ses études universitaires avant de les reprendre et moi. Les deux ne quittent plus le domicile familial. Tous les droits humains sont bafoués.

Cet ultime appel de détresse, de désarroi, de peine et de douleur est à l'adresse de toutes celles et ceux qui, sans frontières, défendent le droit de la personne humaine témoigne de la gravité de notre situation, et d'une véritable mise à mort de toute une famille.
merci

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